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Un tour des vices artificiels

Viande, violence, viols : le recours au virtuel pour assouvir un vice est-il acceptable ?

#réalitévirtuelle #metaverse #fakenews

Viande, violence, viols, le recours à des artifices pour assouvir un plaisir coupable est-il acceptable ?

Je me suis posé la question en première instance lorsque je suis devenu végétarien. J’ai alors découvert l’existence des aliments d’origine végétale imitant la viande(1).

D’abord surpris, je me suis baladé sur des forums végans pour poser la question de l’éthique, au sens philosophique, de cette pratique. En effet : en consommant des imitations, au lieu des protéines végétales que l’on peut trouver naturellement, n’entretient on pas une sorte de fascination dépendante à la viande ?

Les réponses que j’obtins furent tout à fait décomplexée :  « non, cela ne pose pas de problème, tant que cela facilite la transition vers le végétarisme et le veganisme. »

La faim justifie les moyens.

J’avoue que je m’attendais à rencontrer plus d’idéologistes strictes prônant les lentilles et la quinoa. Mais cela m’a été confirmé à chaque fois que j’ai posé la question. Les fabriquants, comme Herta, se sont d’ailleurs engouffré dans le marché, développant considérablement l’offre de protéines végétales transformées dans la grande distribution(2). Et il est vrai qu’il est beaucoup plus confortable de se procurer des plats végétariens, où que l’on aille, depuis les cinq dernières années.

Mais maintenant, au delà des protéines végétales imitant la viande, l’arrivée de la viande de synthèse repose à mon sens la question. A bien y penser, cela reste en accord avec le dogme du véganisme : aucune exploitation animale.

Je ne peux m’empêcher d’y voir une dérive artificialiste dont on ne perçoit pas encore les effets.

no-porc versus porno

L’industrie de la pornographie est incontournable sur internet, elle aurait représenté 27% du trafic vidéo mondial en 2018, selon the Shift Project. Difficile de trouver une personne n’ayant JAMAIS vu une vidéo porno(3). Et pourtant, comme démontrée dans de nombreux essais, la pornographie est le vecteur privilégié des inégalités.

Domination. Violence. Exploitation.

Ces qualificatifs s’appliquent autant au contenu  « scénarisé » qu’aux coulisses et donc à la réalité. Et dans l’immense majorité des cas, c’est au bénéfice de l’homme et au préjudice du  « sexe faible  ». Les quelques productions féministes ou female friendly sont très anecdotiques. De plus, certaines thématiques sont purement abjectes : viol, teens, interracial et J’en passe. Il est donc encore plus insupportable pour un·e féministe de subir la quasi constante tentation via les publicités et spam.

Heureusement, il est possible de se tourner vers les hentai ou la littérature érotique. Mais là encore, même si personne n’a été exploitée pour produire une de ces fictions, sa lecture ne participe-t-elle pas de l’expansion du patriarcat ? Non, d’après Mona Chollet, dans Réinventer l’amour – Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles. Elle y déculpabilise les fantasmes tant qu’ils restent à l’état fiction et ne nuisent à personne. J’avoue que cela a quelque chose de réconfortant.

Cependant, en tombant sur des articles relatant la vente de poupées sexuelles à l’image d’enfants on ne peut que se dire qu’un monstre est en sommeil.

Mais quelle horreur

Dans un autre registre, les films de genre me mettent extrêmement mal à l’aise. Adolescent, j’ai forcément regardé quelques grands classiques d’horreur, plus par pression sociale que par curiosité, mais toujours avec des relans amères.

J’ai longtemps cru que le sujet, volontairement horrible en était la cause. Mais je me suis rendu compte que c’était plus subtile en visionnant l’un des épisode de Saw(4).

J’ai alors réalisé que ce qui me terrifie dans les films d’horreur est moins la situation exposée que le fait que quelqu’un en ait eu l’idée. Pourtant, factuellement, personne n’a réellement souffert pendant le tournage des scènes, même les plus atroces. Mais qu’un esprit ait pris la peine d’imaginer les pires tortures et ait consacré autant de temps et d’énergie pour les rendre plausibles…

Il y a quelque chose de pourri en ce monde. Et le fait qu’il soit imaginaire n’en n’est pas moins dérangeant.

Le virtuel est-il sans conséquence ?

Depuis que les jeux vidéos existent et notamment les jeux de guerre ou de tir on s’est souvent posé la question de l’influence qu’ils pouvaient avoir dans la vie réelle. Deux écoles s’affrontent : celle qui défend l’imperméabilité entre ces deux mondes et celle qui fait un lien entre l’utilisation de jeux vidéo violents et le passage à l’acte. On peut toutefois se dire que l’ immense majorité des gamers n’expriment leur violence que dans un monde virtuel et cloisonné.

Mais l’agression d’une bêta testeuse dans le metaverse interpelle. Bien que virtuelle, l’expérience n’en n’est pas moins traumatisante.

Là où je veux en venir, c’est que l’exercice de vices dans le virtuel reste acceptable tant que le virtuel n’affecte pas le réel, ce qui est de moins en moins le cas.

Des faits semblants

Même fantasmée, la domination masculine peut pénétrer l’imaginaire collectif et entretenir les biais sociétaux dont nous souffrons. Pour autant, faut-il espérer un monde où les films et jeux seraient dépourvus de violence ? Je ne sais pas.

Entre une violence narrée dans une fiction et des fakes news engendrant violence physique ou verbale, la porosité peut parfois être ténue. Surtout quand la prise de psychotropes ou d’alcool altérant la perception de la réalité, est jugée « circonstance atténuante ».

On pourrait alors se dire que, comme pour la simili viande, le recours aux viols et meurtres virtuels seraient au pire des exutoires et au mieux des sas de transition vers la vertu. Encore faut-il que ce soit conscientisé.

L’emploi d’artifices n’a pour moi de valeur que s’il n’y a aucune ambiguïté sur leur caractère purement imaginaire.

Mais j’ai bien peur que l’on soit loin du compte…


Précisions

(1) Je ne fais pas allusion aux saucisses et steaks dont la forme géométrique n’a rien de naturel mais des simili viande et simili poisson reproduisant forme,  texture et goût. Retour au texte
(2) : Je ne m’étale pas sur le fait que les produits transformés et sur-emballés présentent un impact environmental déplorable. Retour au texte
(3) : Et ce, même chez les plus jeunes. Retour au texte
(4) : Mon regard cinématographique était alors beaucoup plus aiguisé, c’était la période où, étudiant en art, je ne pouvais « entrer » dans un film, tant j’étais concentré sur la production. Retour au texte

Par Bastien Ho

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